Je quitte l’hôtel un peu avant dix heures, le ventre creux, à mon grand désarroi. Par chance, à quelques dizaines de mètres à peine, une sorte de bar que je croyais définitivement fermé en raison de la saleté des vitres est en fait bel et bien ouvert, et un laveur de vitres est très affairé à lui donner un aspect pimpant. Visiblement, c’est la proximité de l’autoroute et la sécheresse du sol de la région qui font que les vitres se voilent en quelques heures à peine, donnant une fausse impression de négligence ou d’abandon. Je me précipite donc à l’intérieur pour y commander, comme à mon habitude, deux petits déjeuners successifs.
Après un ou deux kilomètres sur une piste de terre très poussiéreuse où je suis rejoint par un groupe de vététistes qui lèvent le pouce en me dépassant (c’est de toute évidence une habitude gestuelle locale), je me retrouve sur une route de moyenne importance qui m’amène dans la banlieue de Séville. Au fur et à mesure de mon approche, les axes deviennent de plus en plus importants, et de plus en plus fréquentés. J’ai parfois le sentiment d’être sur une autoroute, où j’emprunterais la bande d’urgence. Ça me donne l’impression d’être dans l’illégalité la plus complète, mais les quelques cyclistes que j’aperçois de temps à autre me confirment que c’est bel et bien autorisé, ou en tout cas toléré. De toutes façons, il n’y a pas le choix…
Par sécurité, j’emprunte cependant à chaque fois que l’occasion se présente la « vía de servicio », parallèle aux grands axes et généralement déserte. L’Andalousie que je traverse alors n’a rien de commun avec l’imagerie habituelle : tout me paraît extrêmement sale. Je ne compte plus les détritus en tout genre et en grande quantité qui jonchent les abords ou emplissent les fossés.
Cette impression désagréable sera encore amplifiée dans la seconde moitié de l’itinéraire, car de grands champs de coton récemment balayés par les vents ont projeté un peu partout de l’ouate qui se mélange à la poussière pour former des agrégats assez répugnants. Le très mauvais état des routes n’arrange rien à ma perception, je suis donc heureux que les canaux que je finis par longer dans d’interminables lignes droites abritent de riches et abondantes populations d’oiseaux…
J’arrive en fin de journée dans la petite ville très sinueuse de Lebrija, où je suis accueilli dans un tout petit hôtel très propre et aménagé avec goût : il se caractérise par un style hybride résolument moderne et contemporain, tout en étant respectueux des traditions architecturales locales.